Le constat d’Huissier 145
Cette expression « constat 145 » dans le jargon des professionnels du droit fait référence à l’article 145 du Code de procédure civile qui dispose :
S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il s’agit en pratique d’un procédé redoutable, et redouté pour celui à qui cette procédure est opposée, permettant à toute personne, physique ou morale, qui n’est pas en mesure de rapporter par elle-même des preuves, d’obtenir du juge la désignation d’un huissier de justice qui sera chargé d’accomplir diverses démarches visant à préserver les preuves, et les recueillir.
Il s’agit d’une démarche très intrusive, puisque l’huissier de justice désigné pourra se faire assister de la force publique, d’un serrurier, et s’il s’agit de constatations sur supports informatiques d’un expert informatique.
La personne à laquelle est opposée cette procédure n’est pas informée préalablement. Le constat d’Huissier 145 est donc réalisé avec un double effet : rapidité et surprise.
Entre le dépôt de la requête et la réalisation du constat, il s’écoule généralement 1 à 2 mois.
Les conditions de mise en oeuvre du constat d’Huissier 145
La partie requérante va s’adresser au juge compétent par voie de requête, donc de façon non contradictoire.
Aucune procédure au fond ne doit être déjà en cours portant sur les mêmes faits.
Pour pouvoir mettre en oeuvre le constat d’Huissier 145, la partie qui sollicite cette mesure devra justifier par un minimum d’éléments probants que :
- la situation est vraisemblable, et un litige en découle ;
- la mesure sollicitée est décrite avec précision, proportionnée au but probatoire recherché, et encadré précisément afin de ne pas porter atteinte au secret des affaires ni au respect de la vie privée ;
- l’accomplissement de la mesure sollicitée de façon non contradictoire est indispensable pour éviter toute destruction ou disparition de preuve.
Dans sa requête, le requérant devra faire preuve de transparence vis à vis du Juge, afin que celui-ci n’accepte pas ensuite une demande en rétractation formée par la partie adverse, qui aurait pour effet d’anéantir l’intégralité de la mesure exécutée.
Il devra également faire preuve d’une extrême précision dans le déroulement et l’étendue de la mesure sollicitée, l’Huissier de Justice ne pouvant ensuite accomplir sa mission au-delà de ce qui est permis.
Ainsi, pour rapporter la preuve d’une concurrence déloyale, il faudra clairement prévoir la liste des mots clés à rechercher sur les serveurs informatiques, correctement libellés sans aucune coquille.
Le requérant veillera également à solliciter l’assistance de toutes les personnes nécessaires à la bonne exécution ultérieure : force publique, serrurier, et tous « sachants » (expert informatique, expert comptable, expert de l’Art, etc…)
L’exécution du constat d’Huissier sur ordonnance
L’ordonnance rendue au visa de l’article 145 CPC, la partie requérante s’empressera de prendre attache avec l’Huissier de Justice qui a été nommément désigné par le Juge, ou celui de son choix si le Juge lui en a laissé la possibilité.
L’Huissier de Justice programmera ainsi son intervention, dans le strict respect de la mission décrite dans l’ordonnance.
L’Huissier de justice se présentera donc dans les locaux explicitement visés dans l’ordonnance, assisté de la force publique pour passer outre une éventuelle résistance, et si nécessaire d’un serrurier, et d’un expert informatique (cas le plus fréquent en matière de concurrence déloyale, et à la condition que l’ordonnance le prévoit expressément).
Dès son arrivée, l’Huissier de Justice signifiera à la partie à laquelle elle est opposée, l’ordonnance sur requête. Si l’exécution du constat d’Huissier 145 a lieu chez un tiers, ou dans un local qui n’est pas le siège de la société, un autre Huissier de Justice sera chargé de procéder à la signification de l’ordonnance sur requête, et la mission de constat commencera dans la foulée.
Les garde-fous du constat d’Huissier 145
Une mesure de constat d’Huissier 145 est une arme redoutable, et très intrusive pour la personne qui la subit.
Le juge qui autorise la mesure prendra donc toujours soin de s’assurer que l’exécution de la mesure ne créera aucun trouble dans la bonne marche de l’entreprise qui la subit, ou bien dnas la vie familiale si elle est exécutée au domicile.
L’Huissier de Justice disposera de tous les moyens nécessaires pour exécuter l’ordonnance, dans toute son étendue, mais pas au-delà.
Si une erreur a été commise dans la rédaction de l’ordonnance l’Huissier de Justice ne pourra pas de lui-même s’en affranchir.
Par ailleurs, tous les éléments de preuve qui auront été collectés (pièces comptables, documents, fichiers informatiques, courriels), seront copiés par l’Huissier de justice sur un support qu’il emportera avec lui, mais qu’il ne communiquera pas à la partie requérante.
En effet, seul le Juge pourra ensuite autoriser l’Huissier de Justice à divulguer à la partie requérante les éléments probatoires obtenus.
L’Huissier de justice dressera donc son procès-verbal de constat et le communiquera au Juge et aux parties (sans les pièces et fichiers recueillis).
Comment s’opposer à un constat d’Huissier réalisé sur ordonnance
La partie qui subit un constat d’Huissier 145 va naturellement souhaiter s’y opposer, notamment si elle a effectivement des choses à se reprocher.
Elle ne pourra toutefois pas s’opposer physiquement ou matériellement à la mesure, l’Huissier de Justice étant un officier ministériel, et la mesure ayant été ordonnée par un Juge.
En revanche, si elle considère que les faits exposés au Juge préalablement à la mesure ont été volontairement tronqués, voire décrits de façon mensongère, elle pourra solliciter du juge qui a autorisé le constat d’Huissier 145 la rétractation de l’ordonnance (articles 496 et 497 CPC). En ce cas, les documents et fichiers recueillis par l’Huissier de Justice seront immédiatement restitués ou bien détruits.
Après le constat d’Huissier 145
Une fois le constat réalisé par l’Huissier de Justice, celui-ci rédigera son procès-verbal et le communiquera donc aux parties et au Juge, sans communiquer à qui que ce soit les éléments saisis.
Pour obtenir communication de ces éléments, la partie qui a sollicité la mesure devra engager une nouvelle procédure, cette fois-ci en référé, c’est à dire en présence de son contradicteur.
La partie requérante devra donc persuader le juge que les présomptions exposées dans la requête étaient bien fondées, que les agissements de concurrence déloyales existent bien, et qu’en conséquence la communication des pièces lui est indispensable pour saisir le Juge du fond.
Cette nouvelle procédure (référé) est donc cette fois-ci pleinement contradictoire, et l’adversaire pourra faire valoir ses arguments afin de s’opposer à la communication des documents et fichiers saisis.
S’il fait droit à la communication des fichiers et documents saisis, le juge des référés prévoit généralement que l’Huissier de Justice remettra à chacune des parties les fichiers sur support numérique (en globalité ou bien uniquement certains).