Exécuter une décision de justice

Lorsque le recouvrement amiable a échoué et que votre débiteur n’a pas payé, vous êtes en droit de recourir à l’exécution forcée : processus englobant toutes les mesures de contraintes qu’un créancier impayé va pouvoir diligenter pour obtenir son dû.

Le principal acteur de ce recouvrement judiciaire est l’Huissier de Justice qui, en sa qualité d’officier public ministériel, est le seul compétent pour l’exécution forcée des titres exécutoires.

Nb: Pour le cas particulier de l’expulsion, consultez la page « Expulsion » ; pour les pensions alimentaires, consultez la page « Pensions alimentaires ».

Que peut-on exécuter ?

Pour pouvoir engager les poursuites à l’encontre d’un débiteur défaillant, vous devez justifier d’un titre exécutoire. Il s’agit d’un acte revêtu de la formule exécutoire autorisant l’exécution forcée d’une obligation et permettant ainsi au créancier de recourir aux poursuites si le débiteur ne s’acquitte pas spontanément de sa dette (art. 502 CPC).

L’article L.111-3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution (Cpce) donne une énumération limitative des différents titres exécutoires.

  • les décisions de justice (de l’ordre judiciaire ou administratif) lorsqu’elles ont force de chose jugée, c’est-à-dire lorsqu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucun recours suspensif ou bien qu’elles bénéficient de l’exécution provisoire ;
  • les actes et jugements étrangers et les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible de recours suspensif d’exécution (ordonnance d’exequatur) ;
  • les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties (titres judiciaires non juridictionnels qui n’ont pas besoin d’être notifiés aux parties puisqu’elles ont signé) ;
  • les actes notariés revêtus de la formule exécutoire (le notaire peut leur conférer force exécutoire) ;
  • les titres délivrés par l’Huissier de Justice en cas de non-paiement d’un chèque (l’Huissier de Justice va délivrer au porteur du chèque impayé un titre exécutoire 15 jours après la signification au tireur du certificat de non-paiement) ;
  • les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés d’exécutoires par la loi ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement (état exécutoire, contrainte…).

L’exécution provisoire permet de poursuivre l’exécution d’une décision de justice dès sa signification et malgré l’existence d’un délai de recours, ou bien même l’exercice d’une voie de recours (par exemple : appel).

L’article 514 modifié par la réforme de 2019 prévoit : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Et l’article 515 de préciser : « Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. ».

Ce mécanisme de l’exécution provisoire a ainsi été inversé par rapport au régime qui existait jusqu’alors : désormais la règle est l’exécution provisoire des décisions, et la suspension l’exception.

NB : selon l’article L.111-10 du Code des Procédures Civiles d’Exécution (Cpce), l’exécution est poursuivie aux risques du créancier. Ainsi, si le jugement de première instance est infirmé en appel, son bénéficiaire devra restituer ce qu’il a reçu.

Si vous êtes en possession d’un titre exécutoire, vous êtes en mesure de faire appel à un Huissier de justice pour obtenir le recouvrement de votre créance. La signification du titre exécutoire est le préalable indispensable à toute exécution forcée. En effet, les jugements et autres décisions de justice ne peuvent être exécutés de force contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés (art. 503 CPC).

Enfin, une dernière condition est nécessaire pour la réalisation de l’exécution forcée : le créancier doit être titulaire d’une créance liquide et exigible, constatée dans le titre exécutoire.

La créance est liquide lorsqu’elle est déterminée dans son montant et évaluable en argent, et elle est exigible lorsque son paiement peut être réclamé immédiatement. De plus, la créance doit être certaine, ce qui est le cas lorsqu’elle est constatée dans un titre exécutoire.

En matière immobilière, la procédure pourrait être engagée avec un titre exécutoire provisoire mais pour arriver à son terme – la vente aux enchères – le titre devra devenir exécutoire, c’est-à-dire être passé en force de chose jugée (art. 2191 C.civ.). Pour vendre, la créance doit être certaine.

Si vous êtes en possession d’un jugement que vous voulez faire exécuter, ou de tout autre titre exécutoire entrant dans la liste précédemment évoquée : vous pouvez faire appel à l’Huissier de Justice qui se chargera de contraindre votre débiteur à exécuter l’obligation dont vous êtes le créancier.

Vous devez pour cela remettre à l’étude : l’original du titre (la copie exécutoire), le décompte exact de la créance s’il s’agit d’une créance évolutive dans le temps ou si des acomptes ont déjà été versés, un courrier daté et signé demandant de procéder à l’exécution du titre exécutoire.

Notre conseil : n’attendez pas pour confier le dossier à l’Huissier de Justice, plus le temps passe, plus les chances de réussite diminuent (fuite du débiteur, organisation de son insolvabilité, déconfiture du débiteur).

Pour vous aider à l’envoi de votre dossier et ne rien oublier, téléchargez le fichier ci-joint, imprimez et remplissez-le puis adressez l’ensemble par voie postale à l’étude.

Qui paye les frais de l’exécution ?

En principe, c’est la partie qui perd le procès qui est condamnée aux dépens : ce sont les frais occasionnés par la procédure et que la partie perdante doit supporter, sauf décision contraire et motivée du tribunal (art. 696 CPC). Plus précisément, les dépens comprennent toutes les dépenses obligatoires et prévues par la loi pour obtenir et exécuter la décision : les frais afférents aux actes d’Huissier de Justice (assignation, notification, exécution de la décision), les frais d’instruction (expertise, indemnités des témoins), les émoluments des officiers ministériels, la rémunération réglementée des avocats et les droits de plaidoirie (liste fixée par l’art. 695 CPC).

Tous ces frais sont tarifés au niveau national de la même manière pour tous les Huissiers de Justice par le Code de commerce portant fixation du tarif des Huissiers de Justice en matière civile et commerciale.

D’une manière générale, les frais de l’exécution sont donc à la charge du débiteur qui a été condamné par un jugement définitif, sauf lorsque manifestement les frais engagés n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés (article L.111-8  du Code des Procédures Civiles d’Exécution).

Par ailleurs, dès qu’il lui confie le dossier, l’Huissier de Justice demande au créancier une provision qui lui permettra de couvrir les premiers frais de procédure. En cas de succès, cette provision sera restituée au créancier. Mais en cas d’échec de la procédure, la provision sera partiellement ou totalement perdue par le créancier étant donné que les frais n’auront pas été recouvrés sur le débiteur.

Les seuls frais qui resteront à la charge du créancier en cas de réussite seront, les honoraires de recouvrement dus au titre d’un droit proportionnel dégressif. Il s’agit d’un intéressement au recouvrement des créances pour l’Huissier de Justice à proportion des sommes effectivement recouvrées. Ces honoraires ne sont pas dus pour les créances alimentaires et prud’hommales.

Comment l’Huissier de Justice va-t-il exécuter ?

Si le débiteur d’une obligation ne s’exécute pas volontairement et immédiatement, l’Huissier de Justice dispose de différents moyens de contrainte pour le forcer à s’exécuter.

Le Code des Procédures Civiles d’Exécution (Cpce) prévoit cas par cas les différentes saisies pouvant être mises en œuvre par l’Huissier de Justice.

L’exécution et les différentes formes de saisies

La saisie-attribution

Permet au créancier de saisir immédiatement les sommes disponibles du débiteur par une saisie de ses comptes bancaires et, plus largement, par une saisie pratiquée entre les mains de tout tiers détenteur de fonds au profit du débiteur. La saisie-attribution est très efficace pour le recouvrement des créances de sommes d’argent : il n’y a pas besoin de commandement préalable pour saisir les comptes qui, s’ils sont créditeurs, sont bloqués immédiatement, et il n’y a pas de concours possible entre saisie-attributions (la première pratiquée confère une exclusivité de paiement au créancier qui l’a diligentée). Lors de la saisie-attribution, le banquier laissera obligatoirement à disposition du débiteur l’équivalent du RSA (solde bancaire insaisissable).

La saisie des droits d’associés et de valeurs mobilières

Permet de saisir les parts sociales d’une SCI, SA, SARL…, ainsi que les actions détenues sur un compte-titre ou un PEA. Les valeurs mobilières cotées feront l’objet d’une vente sur le marché boursier et celles qui ne le sont pas feront l’objet d’une vente aux enchères publiques.

La saisie des rémunérations

Permet au créancier de poursuivre le paiement de sa créance sur la rémunération du débiteur, donc directement à la source entre les mains de son employeur, en retenant sur le salaire du débiteur la fraction saisissable. Ainsi, tous les mois, l’employeur adressera au greffe du tribunal d’instance une somme égale à cette fraction, et le greffe transmettra à l’Huissier de Justice le chèque libellé par l’employeur.

La saisie-vente

Permet au créancier de faire immobiliser, où qu’ils se trouvent (au domicile du débiteur ou chez un tiers), les biens meubles corporels (choses matérielles et tangibles, mobilier) du débiteur afin de les faire vendre et de se faire payer sur le prix de la vente. Une fois l’inventaire des meubles dressé par l’Huissier de Justice dans un procès-verbal de saisie – si besoin avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique –, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour régler sa dette ou proposer une vente amiable des meubles saisis ; à défaut, ils seront vendus aux enchères publiques.

Les saisies de véhicules terrestres à moteur

Il en existe 2 sortes :

  • La saisie par déclaration à la préfecture :
    permet au créancier de rendre indisponible le certificat d’immatriculation du véhicule automobile de son débiteur en le plaçant sous la main de la justice. Le débiteur conserve l’usage de son véhicule mais ne peut plus le vendre tant que la saisie n’est pas levée.
  • La saisie par immobilisation du véhicule : consiste à faire immobiliser matériellement le véhicule du débiteur et à l’enlever. Il s’agit d’une procédure autonome qui va avoir les effets d’une saisie-vente, entraînant ainsi l’indisponibilité du véhicule mais également l’impossibilité pour le débiteur d’en user tant qu’il n’a pas payé sa dette.

La saisie-appréhension

Permet au véritable propriétaire d’un bien ou au créancier gagiste de récupérer ce bien resté entre les mains de celui qui est tenu de le remettre ou d’un tiers détenteur. Par exemple, lorsque qu’un vendeur refuse de livrer un objet déjà payé ou lorsque l’acheteur, une fois livré, ne paie pas le reliquat, le créancier peut faire appel à un Huissier de Justice pour obtenir que l’objet lui soit livré ou restitué contre la volonté du débiteur.

La saisie immobilière

Permet au créancier de rendre indisponible un ou plusieurs immeubles qui appartiennent à son débiteur, ou bien sur lesquels il dispose d’un droit de poursuite (hypothèque…), en vue d’obtenir la vente de l’immeuble et de se faire payer sur le prix de vente. L’immeuble saisi ne peut plus être vendu (exception faite de la vente amiable mais avec une autorisation judiciaire), ni donné, ni grevé de droits réels, et les droits de jouissance et d’administration du débiteur sont restreints. De plus, les fruits de l’immeuble vont également être immobilisés. Cette procédure s’adresse à des créances importantes en raison de sa lourdeur et des frais que le créancier devra avancer.

D’autres saisies spécifiques telles que la saisie de licence de débit de boissons (licence 4), la saisie de licence de taxi, la saisie de bateaux et navires, la saisie d’aéronefs, la saisie de coffre-fort…

La prévention et les mesures conservatoires :

Lorsque la décision de justice ne bénéficie pas de l’exécution provisoire, il est possible, s’il existe des raisons susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, de procéder à différentes saisies conservatoires (sur compte bancaire, sur le mobilier) mais aussi à des sûretés judiciaires (hypothèque, nantissement de parts sociales, nantissement de fonds de commerce).

Ces mesures conservatoires ont principalement pour but d’éviter que le débiteur n’organise son insolvabilité.