Les impayés de loyers et la procédure d’expulsion par Huissier de Justice

Le bail, l’expulsion et le jeu de la clause résolutoire :

Le bail est un contrat par lequel une personne, le bailleur, s’oblige à mettre une chose à la disposition de l’autre partie, le locataire ou le preneur, pendant un certain temps et moyennant le versement d’un prix, le loyer ou la redevance (article 1709 du Code civil).

Une grande majorité du contentieux locatif résulte des impayés de loyers, ce qui concerne tant les baux d’habitation que les baux commerciaux. Ainsi, au droit commun du bail, régi par les articles 1713 et suiv. du Code civil, s’ajoutent des statuts protecteurs pour chacun de ces domaines :

  • les baux d’habitation, aujourd’hui essentiellement régis par la loi du 6 juillet 1989 dont les dispositions sont d’ordre public et instaurent un équilibre entre les droits et obligations réciproques du bailleur et du locataire ;
  • les baux commerciaux, régis par les articles L. 145-1 et suiv. du Code de commerce.

L’obligation fondamentale du bailleur est d’assurer au locataire la jouissance paisible des biens loués, tandis que le locataire, outre le fait qu’il doit user de la chose louée en bon père de famille, a l’obligation fondamentale de payer le prix du bail – c’est-à-dire le loyer mais aussi les charges – au terme convenu.

Lorsque le locataire ne règle pas ses loyers, le bailleur est en droit de faire appel à un Huissier de Justice pour recouvrer les sommes dues mais aussi pour engager la procédure spécifique à ce type de contentieux : l’expulsion. Cette procédure d’exécution, du fait qu’elle porte sur des personnes et non sur des biens (contrairement aux saisies), peut avoir de graves conséquences si elle est menée jusqu’à son terme. C’est pourquoi elle est très encadrée par des textes légaux et réglementaires, et notamment : le Code des Procédures Civiles d’Exécution (CPCE), le code de la construction et de l’habitation, la loi « SRU » du 13 décembre 2000, la loi dite « Borloo » du 18 janvier 2005, la loi « DALO » du 5 mars 2007, la loi dite « Boutin » du 25 mars 2009, la loi dite « Lagarde » du 1er juillet 2010, la loi « ALUR » du 24 mars 2014, la loi « ELAN » du 23 novembre 2018.

Le propriétaire qui subit un impayé de loyer, mais aussi le propriétaire dont le locataire se maintient dans les lieux après un congé, ou bien dont le locataire sous-loue illégalement le logement, doit être averti qu’il s’agit d’une procédure longue, complexe et couteuse.

Pour vos impayés de loyer, nous vous proposons plusieurs solutions, selon votre cas.

Consultez nos différentes solutions en cliquant ici.

Dans le cas le plus fréquent de l'impayé de loyers, le bail prévoit généralement une clause résolutoire. Cette clause permet aux parties d’obtenir la résiliation automatique (de plein droit) du bail en cas de non-exécution de leurs obligations respectives. Le juge sera alors saisi par le bailleur pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et voir ordonner l’expulsion.

Dans le cadre d’un bail d’habitation, comme la clause résolutoire est dangereuse pour le locataire du point de vue des conséquences qu’elle peut entraîner pour lui (perte du logement), elle n’est admise que pour des manquements essentiels aux intérêts du bailleur : le non-paiement du loyer ou des charges au terme convenu, le non-paiement du dépôt de garantie (hypothèse du chèque sans provision), ou la non-souscription d’une assurance des risques locatifs.

Pour mettre en jeu la clause résolutoire de plein droit, il faut faire délivrer au locataire un commandement de payer les loyers par un Huissier de Justice. Le locataire dispose alors d’un délai de deux mois en matière de bail d’habitation (Loi 1989, art. 24) et d’un mois s'il s'agit d'un bail commercial (art. L. 145-41 C.com.) pour s’acquitter de sa dette ou au minimum demander des délais de paiement au juge. A défaut, il devient un occupant sans titre, et le bailleur peut alors saisir le juge aux fins de constat de la résiliation du bail.

 

Comment lancer la procédure d’expulsion par Huissier de Justice ?

Le bailleur doit agir le plus rapidement possible, dès que toute tentative de recouvrement amiable (échelonnement de la dette de loyer…) a échoué auprès du locataire.

Vous devez dès lors déposer votre dossier complet à l’Huissier de Justice, à savoir :

  • l’original du bail,
  • un décompte détaillé exact des sommes dues par le locataire,
  • un courrier signé de votre main demandant la signification d’un commandement visant la clause résolutoire.

Ensuite, la résiliation du bail pourra être obtenue par le jeu de la clause résolutoire contenue dans le bail (cf supra). A la réception du dossier complet, l’Huissier de Justice se chargera de signifier au locataire un commandement de payer rappelant notamment la clause résolutoire et lui réclamant la totalité des sommes dues.

Le locataire dispose alors d’un délai d’un ou deux mois selon les cas pour payer intégralement sa dette de loyer, faute de quoi le bail sera automatiquement résilié et le bailleur pourra demander que soit prononcée judiciairement l’expulsion de l’occupant.

Si le propriétaire décide de poursuivre la procédure en expulsion, il faut qu’un Juge constate la résiliation du bail et ordonne l’expulsion en prévoyant le concours de la force publique si nécessaire. Pour ce faire, l’Huissier de Justice devra, à la demande du bailleur, procéder à l’assignation du locataire devant le Juge des Contentieux de la Protection (pour un bail d’habitation) ou du Tribunal Judiciaire (pour un bail commercial).

A noter : lorsque le bail ne contient pas de clause résolutoire, le bailleur devra également faire signifier une sommation de payer au locataire ; cette fois-ci, comme la résiliation du bail n’est pas automatique et laissée à l’appréciation du Tribunal, il n’y a pas besoin d’attendre deux mois et le bailleur peut assigner le locataire plus tôt.

Votre locataire menace de partir à la cloche de bois ?

Sachez que vous êtes en droit, si vous êtes en possession d’un bail écrit, de faire procéder par l’Huissier de Justice à une saisie conservatoire du mobilier de votre locataire ou de ses comptes bancaires. Cette procédure est rapide, sans délai, si les conditions de la saisie conservatoire sont réunies.

Contactez l’étude pour plus d’informations en cliquant ici.

Quel est le déroulement d’une procédure d’expulsion ?

Après avoir obtenu la décision du tribunal constatant ou prononçant la résiliation du bail et ordonnant l’expulsion du locataire, le bailleur remettra à l’Huissier de Justice l’original du jugement pour le faire signifier et exécuter dans les plus courts délais. La décision de justice devra être signifiée préalablement à toute exécution, toutefois elle pourra être signifiée en même temps que le commandement de quitter les lieux si elle bénéficie de l’exécutoire et qu’aucun délai n’a été accordé au locataire.

Le locataire dispose d’un nouveau délai de deux mois à la date du commandement pour quitter le logement de son plein gré. A noter : pour le cas particulier d’un squat, ce délai de deux mois est inapplicable depuis la dernière modification issue de la loi ELAN de l’article L.412-1 CPCE : « Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait. »

Passé ce délai, l’Huissier de Justice se rendra dans le local afin de constater que l’occupant sans titre se maintient dans les lieux et refuse de partir. Il dressa alors un procès-verbal relatant ses difficultés, puis saisira le Préfet afin de solliciter l’assistance de la force publique.

L’expulsion manu militari ne pourra donc être réalisée qu’en présence de la police ou de la gendarmerie, et après décision du Préfet.

Les services du Préfet disposent d’un délai de deux mois pour accorder le concours de la force publique à l’Huissier de Justice. Pendant ce délai, l’action des services sociaux a pour objectif de venir en aide aux occupants en situation de réelle difficulté financière et sociale. Passé ce délai, la responsabilité de l’Etat est engagée et il faudra déposer un recours gracieux en indemnisation.

Une fois que le concours de la force publique est accordé par le Préfet, il sera procédé par l’Huissier de Justice à l’expulsion de l’occupant sans titre sous certaines conditions très strictes :

  • les opérations d’expulsion auront lieu en présence de la police ou de la gendarmerie, mais aussi d’un serrurier, éventuellement de déménageurs et d’une société spécialisée pour protéger le logement de toute réintégration ;
  • l’expulsion débutera impérativement entre 06h et 21h, du lundi au vendredi, et l’occupant ne sera pas averti de la date ;

A noter : lorsque le local est à usage d’habitation principale, l’expulsion ne pourra être réalisée qu’entre le 1er avil et le 31 octobre, sauf s’il s’agit d’un squat auquel cas le Tribunal pourra réduire ou supprimer ce délai (art L.412-6 CPCE dans sa dernière version issue de la loi ELAN du 23/11/2018) ;

  • le propriétaire du local ne sera pas présent sur les lieux lors de l’expulsion ;
  • l’occupant est en droit de récupérer l’intégralité de son mobilier et de ses affaires personnelles dans un délai de deux mois, c’est pourquoi l’Huissier de Justice dressera un inventaire du mobilier et des objets se trouvant dans le local ; si l’occupant ne récupère pas ses affaires, il sera procédé à la vente aux enchères ou la destruction des biens inventoriés, suivant qu'ils ont une valeur marchande ou non.

Important : Vous devez agir vite !

Une procédure d’expulsion est longue, couteuse et semée d’embuches. Vous devez donc agir vite sans attendre que la dette augmente. Par ailleurs, si vous attendez trop, votre locataire ne sera pas en mesure de faire face à sa dette locative ; vos chances de recouvrer les loyers seront donc diminuées.

Contactez l’étude pour plus d’informations en cliquant ici.