Le recouvrement des pensions alimentaires par l’Huissier de Justice
Qu’est-ce qu’une pension alimentaire ?
La pension alimentaire est une somme d’argent versée périodiquement et destinée à assurer la subsistance d’un parent ou d’un allié dans le besoin.
Il s’agit d’une des formes que peut prendre la réalisation des obligations alimentaires que le droit français reconnaît entre les époux (art. 203 C.civ.), mais également entre parents en ligne directe, c’est-à-dire entre ascendants et descendants (art. 205 C.civ.), et entre alliés en ligne directe, soit entre gendres ou belles-filles et beaux-parents (art. 206 C.civ.).
Le droit au versement d’une pension alimentaire suppose, pour la personne qui la reçoit, qu’elle soit véritablement dans un état de nécessité matérielle, et pour le ou les débiteurs de la pension, qu’ils disposent de ressources suffisantes pour lui venir en aide.
Après un divorce ou une séparation, que l’autorité parentale soit exercée en commun ou non, le parent non gardien (c’est-à-dire celui qui n’a pas la garde ni la charge quotidienne des enfants) doit contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants confiés à l’autre parent à proportion de ses ressources (art. 371-2 C.civ.). Cette contribution prend le plus souvent la forme d’une pension alimentaire versée à l’autre parent (art. 373-2-2 C.civ.).
L’un des conjoints peut donc demander à l’autre le versement d’une pension alimentaire pour lui-même ou bien pour entretenir les enfants communs, c’est-à-dire subvenir à leurs besoins matériels essentiels (nourriture, vêtements, logements, éducation…) s’il en a la charge.
Attention sanction : dès lors que le débiteur de la pension alimentaire s’abstient intentionnellement de verser l’intégralité de celle-ci pendant plus de 2 mois, il commet le délit d’abandon de famille réprimé par l’article 227-3 du Code pénal et encourt une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Comment obtenir le recouvrement d’une pension alimentaire fixée judiciairement ?
Le débiteur d’une pension alimentaire qui ne s’acquitte pas spontanément de sa dette peut y être contraint par une procédure spécifique qui tient compte du caractère alimentaire de la créance : le paiement direct.
La procédure de paiement direct : pour la pension alimentaire courante et les arriérés des 6 derniers mois
Instituée par la loi du 2 janvier 1973 complétée par son décret d’application du 1er mars 1973, codifiée depuis 2012 aux articles L.223-1 et suivants et R.223-1 et suivants du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la procédure de paiement direct permet au créancier d’une pension alimentaire de se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers détenteurs de sommes dues au débiteur de la pension. Le créancier de la pension peut notamment exercer ce droit entre les mains de tout débiteur de salaires, produits du travail ou autres revenus (employeur) ainsi que de tout dépositaire de fonds (établissement bancaire).
Simple à mettre en œuvre, rapide et efficace, le paiement direct est sans frais pour le créancier de la pension alimentaire (les frais de procédure étant à la charge de celui qui doit la pension).
La procédure de paiement direct permet au créancier de la pension alimentaire d’obtenir le règlement :
- des dernières mensualités impayées depuis maximum 6 mois avant la notification de la demande de paiement direct ;
- des mensualités à venir au fur et à mesure où elles sont dues.
Cette procédure est rapide dans sa mise en œuvre comme dans le paiement au créancier de la pension : les sommes saisies sont versées directement par le tiers saisi au domicile du créancier de la pension, et ce selon la périodicité prévue dans la décision judiciaire qui fixe la pension alimentaire.
Conditions de mise en œuvre de la procédure
- La créance doit avoir été fixée par une décision judiciaire qui constituera le titre exécutoire indispensable.
- Un impayé, même partiel, suffit pour entamer la procédure de paiement direct.
- Le créancier doit ensuite s’adresser à l’Huissier de Justice de son lieu de résidence et lui fournir un certain nombre d’éléments :
- l’original du jugement qui fixe la pension alimentaire ;
- l’acte de signification de ce jugement qui a normalement été préalablement réalisée ; toutefois, si la décision n’a pas été signifiée, il conviendra impérativement de le faire avant de pouvoir mettre en place la procédure de paiement direct ; le coût de cet acte sera alors à la charge du requérant ;
- son état civil complet ainsi qu’un relevé d’identité bancaire ;
- un décompte détaillé des sommes dues et restées impayées (ne peut remonter au-delà de 6 mois) ;
- les coordonnées du débiteur : son adresse postale, son numéro de sécurité sociale, ses date et lieu de naissance ;
- les coordonnées du tiers saisi (banque ou employeur du débiteur) : son adresse postale, son numéro de téléphone…
L’Huissier de Justice se chargera, si besoin, de demander communication aux différentes administrations et organismes de sécurité sociale ou gérant les prestations familiales, de tous renseignements lui permettant de mettre en œuvre la procédure.
Une fois que tous les renseignements utiles lui auront été fournis, l’Huissier de Justice fera le nécessaire pour procéder à la notification du paiement direct dans un délai de 8 jours à compter de la date de la demande du créancier. Il intervient par voie de notification postale, tant auprès du tiers saisi qu’auprès du débiteur de la pension.
La procédure de paiement direct prendra fin uniquement par une nouvelle notification faite par l’Huissier de Justice au tiers saisi.
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Contestations possibles
- Devant le juge de l’exécution : la procédure de paiement direct peut être contestée tant par le débiteur de la pension que par le tiers saisi, devant le juge de l’exécution auprès du tribunal de grande instance du domicile du débiteur de la pension. Cependant, une telle contestation ne suspend pas l’obligation de paiement ; le tiers saisi devra donc payer ce qui lui a été demandé, quand bien même la mesure ou le montant de la dette serait contesté.
- En obtenant la mainlevée : le paiement direct prend fin dès que l’Huissier de Justice notifie au tiers saisi la mainlevée de la procédure par lettre recommandée (exemple : mainlevée à l’initiative du créancier après le repentir du débiteur ou si la pension cesse d’être due).
- En cas de modification du jugement initial : le débiteur de la pension peut demander à un Huissier de Justice de lui délivrer un certificat attestant qu’un nouveau jugement a modifié ou supprimé la pension alimentaire.
Les autres procédures de recouvrement
En cas d’échec du paiement direct : le recouvrement public
En cas d’échec des procédures d’exécution de droit privé, et en particulier du paiement direct, le créancier d’une pension alimentaire peut saisir le procureur de la République du tribunal de grande instance dont dépend son domicile, par une lettre recommandée avec accusé de réception, pour lui demander le recouvrement de la pension alimentaire par le comptable du Trésor Public.
Les créances concernées par cette procédure sont les mêmes que celles qui peuvent faire l’objet d’un paiement direct, mais il faut pour en bénéficier que le créancier de la pension justifie avoir eu recours, sans succès, à une voie d’exécution de droit privé. Cette procédure complémentaire et subsidiaire est gratuite.
Par ailleurs, les Caisses d’allocations familiales (CAF) peuvent venir en aide aux parents isolés pour le recouvrement des pensions alimentaires impayées depuis plus de 2 mois. Une allocation de soutien familial (ASF) peut alors être versée par la CAF au parent créancier, à titre d’avance, en cas de défaillance totale du parent débiteur ; en cas de défaillance partielle, il est versé une allocation différentielle qui complète les versements faits par le parent débiteur de la pension à hauteur de la créance alimentaire, sans pouvoir excéder le montant de l’ASF.
Pour tous les arriérés de plus de 6 mois : les voies ordinaires d’exécution forcée par l’Huissier de Justice
Il existe plusieurs sortes de saisies
La saisie des rémunérations du travail : permet de poursuivre le paiement d’une créance alimentaire sur l’intégralité de la rémunération du débiteur, directement auprès de son employeur, en retenant sur son salaire la part qui revient au créancier de la pension.
- La saisie-attribution : permet au créancier de la pension alimentaire de récupérer immédiatement les sommes disponibles du débiteur de la pension par une saisie de ses comptes bancaires.
- La saisie des droits d’associés et de valeurs mobilières : permet de saisir les parts sociales d’une SCI, SA, SARL…, ainsi que les actions détenues sur un compte-titre ou un PEA.
- La saisie-vente : permet au créancier de la pension alimentaire de faire immobiliser les biens meubles corporels (mobilier) du débiteur de la pension afin de les faire vendre et de se faire payer sur le prix de la vente.
- Les saisies de véhicules terrestres à moteur, qui sont de 2 sortes : la saisie par déclaration à la préfecture qui permet au créancier de rendre indisponible le certificat d’immatriculation du véhicule automobile de son débiteur en le plaçant sous la main de la justice et la saisie par immobilisation du véhicule consistant à faire immobiliser matériellement le véhicule du débiteur et à l’enlever.
- La saisie immobilière : permet au créancier de rendre indisponible un ou plusieurs immeubles qui appartiennent à son débiteur, ou bien sur lesquels il dispose d’un droit de poursuite (hypothèque…), en vue d’obtenir la vente de l’immeuble et de se faire payer sur le prix de vente.
Contrairement au paiement direct, ces procédures de recouvrement classiques ne permettent de recouvrer que les sommes impayées au jour de la procédure (et non pas les sommes à venir), mais elles permettent cependant d’exécuter pour tous les arriérés de pension alimentaire jusqu’à 5 ans.
Pour les conditions de mise en œuvre de toutes ces saisies, se reporter à la page « Exécuter une décision de justice ».