COVID-19 : Prorogation des délais échus pendant la période d’état d’urgence sanitaire

COVID-19 délais de procédure

Le droit s’adapte pour faire face à la crise sanitaire liée à l’épidémie de COVID-19 : prorogation les délais pour accomplir les actes de procédure.

Ainsi, tout d’abord la Loi n°2020-290 du 23 mars 2020 relative à l’état d’urgence sanitaire, autorise le gouvernement à prendre diverses mesures par voie d’ordonnances, y compris dans le domaine du Droit, qui doit nécessairement s’adapter pour faire face à l’épidémie COVID-19.

Ainsi, à l’article 11, I-, 2°, le gouvernement est autorisé à prendre :

Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure :
a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;
b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19 ;

 

En vertu de la Loi d’Urgence, une ordonnance a été prise le 25 mars 2020 (n°2020-306) par le Président de la République visant à proroger les délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à adapter les procédures pendant cette même période.

 

Concrètement pour l’activité juridique en général et celle des Huissiers de Justice en particulier, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 entraîne les conséquences suivantes :

  • L’ordonnance vise tous les délais venus à échéance à partir du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
  • Sont exclus :
    • Les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;
    • Les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté ;
    • Les délais concernant les procédures d’inscription dans un établissement d’enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;
    • Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;
    • Les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci.
  • Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période concernée sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
    Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. (article  2)
  • Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré à partir du 12 mars 2020.
    Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.
    Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période concernée. (article  4)

Prorogation des délais de procédure et COVID-19 : Cette ordonnance n’a donc pas pour effet d’empêcher la réalisation des actes de procédure, en revanche, elle en suspend tous les effets lorsqu’ils ont pour conséquence de faire courir un délai pour protéger le destinataire (exemples : signification de jugement ouvrant un délai d’appel ou de pourvoi en cassation, délai de contestation à la suite d’une dénonciation de saisie attribution, etc…), et elle protège celui qui devait accomplir un acte dans un délai légal ou réglementaire afin qu’il puisse y procéder au-delà (exemples  : signification de déclaration d’appel art 902 CPC, dénonciation de saisie attribution, demande d’apposition de la formule exécutoire suite à signification d’injonction de payer, signification d’un jugement rendu par défaut dans les 6 mois, etc…).

La suspension ainsi organisée par l’ordonnance liée à l’épidémie de COVID-19 ne concerne que les délais légaux et réglementaires. En aucune façon les délais contractuels sont concernés.

En matière administrative, par exemple s’agissant des autorisations de permis de construire, le procès-verbal de constat d’huissier a pour conséquence de faire courir le délai de recours des tiers de deux mois. Compte tenu de l’état d’urgence, le point de départ restera le même mais le délai sera rallongé, à compter de la date de cessation de l’état d’urgence.

 

La question délicate des congés en matière d’habitation ou commerciale et la prorogation des délais liée au coronavirus :

Tout d’abord, le congé peut être délivré; et plus que jamais l’acte d’huissier a son importance face à des délais postaux totalement incertains et aléatoires.

Le congé d’habitation ou commercial délivré par acte d’huissier, dans les délais contractuels impartis, produira donc effet « normalement », pour la bonne échéance contractuelle; sur ce point il n’y a aucune difficulté.

Reste la question du congé qui, pour être normalement valable aurait dû être délivré avant une date se situant entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire : l’article 5 entraîne une difficulté d’interprétation en énonçant : « Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er (NDLR: date de fin de l’Etat d’urgence augmentée d’un mois), de deux mois après la fin de cette période. » Ce texte laisse donc comprendre que le congé pourra être notifié jusqu’à 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence (1 mois +2 mois), et produira ses effets à la date contractuelle. Toutefois, certains estiment que les effets d’un tel congé seront reportés au-delà de la date contractuelle, du délai de préavis applicable à la situation.

 

Définition des termes juridiques mentionnés aux articles 2 & 4 de l’ordonnance :

Acte : Ecrit nécessaire à la validité ou à la preuve d’une situation juridique, exprimant une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit.

L’acte d’Huissier de Justice est un document écrit rédigé en langue française par un Huissier de Justice (assignation, signification de jugement, congé, procès-verbal de saisie-vente, procès-verbal de constat…).

L’acte rédigé avant ou hors de tout procès est dit « extrajudiciaire », au contraire de l’acte « judiciaire ».

Action en justice : Acte par lequel un justiciable saisit la justice pour obtenir le respect de ses droits et de ses intérêts légitimes.

Astreinte : Sanction pécuniaire accessoire de nature judiciaire généralement fixée à tant par jour de retard, qui s’ajoute à la condamnation principale pour le cas où celle-ci ne serait pas exécutée dans les délais prescrits par le juge et tendant à obtenir du débiteur, par la menace d’une augmentation progressive de sa dette d’argent, une exécution de l’obligation lui incombant en nature.

Caducité : Extinction du lien d’instance, déclarée d’office, en raison de l’absence de réalisation d’un acte par les parties dans les délais impartis. L’acte se trouve privé d’effet et doit être recommencé.

Clause pénale : Clause par laquelle le débiteur, s’il manque à son engagement ou l’exécute avec retard, devra verser au créancier une somme d’argent dont le montant est fixé à l’avance et de façon forfaitaire.

Clause résolutoire :  clause d’un contrat prévoyant la résolution de plein droit en cas d’inexécution totale ou partielle d’une ou plusieurs obligations.

Déchéance : Perte d’un droit à titre de sanction ou de non respect des conditions d’exercice.

Déclaration : Acte par lequel une partie manifeste sa volonté (ex: déclaration d’appel), ou bien effectue sa demande (ex: déclaration de créance en matière de redressement judiciaire).

Désistement : Renonciation du demandeur à l’instance, à une voie de recours, ou à un acte.

Formalité : Opération prescrite par la loi ou le règlement afin de permettre la validité d’un acte.

Forclusion : Perte d’un droit qui n’a pas été exercé en temps utile.

Inscription : Formalité par laquelle est obtenue la publicité de certains actes (exemple: inscription d’hypohèque)

Inopposabilité : Acte juridique dont la validité n’est pas affectée, mais dont les effets sont écartés.

Irrecevabilité : Sanction de l’inobservation d’une prescription légale consistant à repousser une demande, sans l’examiner, au motif qu’elle n’a pas été formulée dans les temps ou dans les formes, ou encore qu’elle ne remplit pas les conditions de fond.

Notification : Formalité par laquelle un acte est porté à la connaissance de son destinataire. La notification est faite par voie postale, ou bien par acte d’Huissier de Justice. Dans ce dernier cas, on parle de Signification.

Nullité : Sanction entraînant disparition rétroactive de l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité.

Péremption : Anéantissement d’un acte en raison de l’écoulement d’un délai, sans pour autant remettre en cause le droit qui le justifie.

Prescription : Consolidation d’une situation juridique par l’écoulement d’un délai. La prescription peut ainsi entrainer l’acquisition d’un droit, ou à l’inverse la perte de celui-ci.

Publication : Mode de publicité employé habituellement en matière administrative.

Recours : Action visant à contester une décision.

Sanction : Moyen destiné à assurer le respect et l’exécution effective d’un droit ou d’une obligation personnelle.

 

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