Le 1er avril dernier, un couple lançait la vente de sa propriété via un jeu concours « gagnez la propriété la Gueriniere » moyennant un ticket de participation à 13 euros.
Chaque participant devait alors répondre à deux questions de culture générale et estimer une vitrine, afin de gagner des points, et déterminer ainsi le grand gagnant.
Cette opération a beaucoup fait parler sur les réseaux sociaux et dans les médias, mais elle ne peut qu’être vouée à son interdiction, l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) s’étant saisie de l’affaire.
En effet, l’article L.322-1 CSI interdit les loteries de toute espèce. L’article suivant précise que sont réputées loteries et interdites comme telles les ventes d’immeubles effectuées par la voie du sort ou même partiellement au hasard et, d’une manière générale, toutes opérations offertes au public pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû au hasard , même partiellement et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants. Il est également précisé à l’article suivant que cette interdiction recouvre les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur.
Si on se penche la mécanique de ce jeu, les modalités pour gagner ne sont pas si claires que le laissent entendre les organisateurs. En effet, il est prévu deux questions de culture générale. Sont-elles faciles ou difficiles ? Trop faciles ou trop difficiles, la proportion de répondre aux questions au hasard n’est alors pas neutre. Il en est de même quant à l’estimation des vitrines, dont on ne sait pas exactement de quoi il s’agit: de quoi sont elles composées ? Combien doit-on estimer d’objets ?
Tout cela est bien flou… et on peut craindre alors qu’il soit nécessaire pour les candidats d’user d’un certain « savoir-faire », également réprimé par les textes (ou bien encore une fois du hasard…).
Si les propriétaires ont confié leur déception aux médias, après avoir « donné du rêve aux gens », ils ne semblent pas avoir pris conscience de la complexité juridique pour organiser une telle opération, et de son infaisabilité.
Car jusqu’alors, les rares opérations du même type ont toutes été annulées, soit en raison de fraudes avérées des organisateurs (on pense par exemple au célèbre Simpatico il y a quelques années), soit de la simple ignorance des organisateurs. Et cela semble bien être cette deuxième hypothèse qu’il convient de retenir pour notre couple de propriétaires périgourdins.
Les seules opérations licites organisées jusqu’ici passent par une mécanique de jeu strictement gratuit, et ayant comme lot une somme en argent destinée à être utilisée comme apport pour un achat immobilier (exemple: jeu century 21)
Les organisateurs d’un tel concours s’exposent à 3 ans d’emprisonnement et 90 000 euros d’amende (article L.324-6 du code de la sécurité intérieure). En outre, l’article L.324-7 prévoit que lorsqu’il s’agit de loterie d’immeubles, la confiscation prononcée à l’encontre du propriétaire de l’immeuble mis en loterie est remplacée par une amende pouvant s’élever jusqu’à la valeur estimative de cet immeuble.
Vendre son bien immobilier par le biais d’un concours payant est donc une opération dès le départ vouée à l’échec, avec des condamnations importantes à la clé pour les organisateurs.