La 3è chambre civile de la cour de cassation, le 25 octobre 2018, rappelle que le juge du tribunal d’instance, dans tous les cas d’urgence, peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Au visa de l’article 848 du code de procédure civile qui énonce la règle ci-dessus rappelée, la Cour de cassation rappelle qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la résiliation d’un bail.
L’arrêt de la cour d’appel d’Orléans est ainsi cassé par la Haute juridiction.
[toggle title = »La décision en intégralité – 17-26568 « ] LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Orléans, 13 mars 2017), rendu en référé, que M. Y… a donné à bail à Mme X… une maison dont il est propriétaire ; que Mme X… l’a assigné en référé en prononcé de la résiliation du bail à ses torts et en restitution du dépôt de garantie ;
Sur le premier moyen :
Vu l’article 848 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans tous les cas d’urgence, le juge d’instance peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;
Attendu que l’arrêt prononce la résiliation du bail ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer une telle mesure, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l’article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne l’annulation, par voie de conséquence, des dispositions qui sont critiquées par ce moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Orléans, autrement composée ;
Condamne Mme X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. Y….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. Y… fait grief à l’arrêt attaqué
D’AVOIR prononcé à ses torts exclusifs la résolution du bail conclu entre lui et Mme X… le 25 septembre 2014 et DE L’AVOIR, en conséquence, condamné à verser à Mme X… la somme 250 € en réparation de son préjudice moral et celle de 720 € en restitution du dépôt de garantie ;
AUX MOTIFS QUE « le bail signé 25 septembre 2014 devait entrer en vigueur le 1er octobre 2014, et que la nécessité, à la date à laquelle il a été conclu, d’opérer des travaux à la charge du propriétaire ne posait pas de difficultés entre les parties jusqu’à la date prévue pour l’entrée de Mme X… dans les lieux, il établissement de l’état des lieux d’entrée, soit le 1er octobre 2014 ; que la partie intimée prétend que l’impossibilité de prendre possession des lieux résulterait du seul comportement du propriétaire qui aurait failli à son obligation de délivrance au sens de l’article 1719 du code civil; que M. Y… prétend que le refus de son adversaire de prendre possession des lieux n’était pas justifié puisque, selon lui, la pose des éléments d’équipement manquants pouvait être effectuée à bref délai, alors que Mme X… prétend que c’est le propriétaire qui a refusé de lui remettre les clés, chacun ayant une vision différente de l’incident qui s’est déroulé le 1er octobre 2014 ; que si l’attestation de Christophe A… (pièce 11 de Mme X…) ne peut être considéré comme probante puisqu’elle contient un témoignage indirect selon lequel le propriétaire aurait refusé la remise des clés, l’auteur de cette pièce n’ayant visiblement pas assisté à l’incident, il n’en va pas de même de celle établie par Sylvain B… qui indique que M. Y… « s’est montré insultant puis violent lorsqu’il y a eu des remarques sur les travaux non terminés », auteur ajoutant qu’« il a mis Madame X… à la porte et a refusé de lui remettre les clés du logement » ; que ce témoignage corrobore le contenu de l’extrait de main- courante qu’apporte aux débats Mme X… (pièce 7), qui mentionne d’une part que l’intimée a reproché à M. Y… d’avoir encaissé le dépôt de garantie début septembre, alors qu’elle ne peut pas prendre possession des lieux, comme prévu le 1er octobre, d’autre part que « toute discussion s’est avérée stérile avec M. Y… », ce qui démontre bien que ce n’est pas la locataire qui a refusé d’entrer dans les lieux, mais le propriétaire qui l’en a empêchée ; que l’appelant prétend que Mme X… aurait entreposé des meubles dans l’appartement avant le 1′ octobre 2014, ce qui prouverait selon lui un commencement d’exécution du contrat par l’intimée ; qu’il invoque à cet égard le témoignage d’Emma C…, qui déclare dans une attestation du 5 octobre 2014 avoir vu que les meubles et affaires personnelles de la locataire étaient entreposés dans le sous-sol de l’immeuble ; que le fait que Mme X… avait entreposé quelques meubles, non pas dans l’appartement mais dans le sous-sol de l’habitation, quelques jours avant la date prévue pour la remise des clés ne peut pas en soi constituer une prise de possession des lieux loués, qui n’étaient pas utilisables par une famille de quatre personnes, ne serait-ce que du fait de l’absence, dans la salle d’eau d’une cabine de douche et du lavabo, ce qui apparaît sur le constat d’ huissier apporté par M. Y… lui-même (pièce 12) ; que ce dernier prétend que Mme X…, en sollicitant la résolution du bail, reconnaîtrait son commencement d’exécution par la prise de possession des lieux, puisque, dans l’hypothèse inverse, elle n’aurait pu, selon lui, que demander au juge de constater son absence d’ exécution ; qu’il convient d’observer que la résolution est de toute façon, en pareil cas, la seule manière de faire cesser judiciairement les effets du bail ; que, pourtant, Mme X… rapporte la preuve de ce que l’impossibilité de prendre possession des lieux résulte du seul comportement du propriétaire qui a failli à son obligation de délivrance au sens de l’article 1719 du code civil, de sorte que c’est à juste titre que la résolution d’un bail qui était déjà signé par les deux parties a été prononcée » ;
ET QU’« en dépit du bail d’habitation signé par Mme X… et M. Y… le 25 septembre 2014, lequel devait prendre effet le 1er octobre 2014, Mme X… n’a pas pris possession de la maison et qu’une vive altercation a eu lieu entre eux lors de l’établissement de l’état des lieux d’entrée ; qu’il ne peut être davantage contesté que l’état des lieux d’entrée n’a pas été signé par Mme X… ni ne lui a été remis, et que dès lors, les mentions portées sur ce document résultent de la seule initiative de M. Y… qui est le seul à l’avoir paraphé et signé et à en avoir eu un exemplaire ; qu’il ressort de l’examen de cet état des lieux, que le 1er octobre 2014, la salle de bain n’était pas encore dotée d’un meuble avec vasque et robinet, de sorte que Mme X… et ses enfants ne pouvaient pas se laver, que deux chambres n’étaient pas équipées de convecteurs en état de marche ce qui en octobre, à une époque où les températures peuvent être basses, ne permettait pas les conditions de confort minimal que des locataires sont en droit d’attendre, que l’électricité n’était pas aux normes et qu’à l’extérieur, la terrasse ne disposait pas d’une rambarde de sécurité et d’un mur de soutainement, ce qui représentait un danger pour les enfants de la locataire ; qu’il se déduit de ces mentions que le logement n’était pas décent puisqu’il ne disposait pas de tous les équipements nécessaires à la santé et à la sécurité de Mme X… et de ses trois enfants ; qu’ainsi, même si celle-ci a entreposé des meubles dans le sous-sol de la maison, M. Y…, avec lequel les policiers appelés par Mme X… le 1 » octobre 2014 n’ont pu engager aucune discussion constructive selon ce qui résulte de la main courante établie à la suite de leur intervention, a clairement failli à son obligation de délivrance d’un logement décent ; qu’il résulte de l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 que le dépôt de garantie prévu par le contrat de location est versé au bailleur directement par le locataire au moment de la signature du bail ; qu’en l’espèce, Mme X… démontre par la production de ses relevés bancaires que M. Y… lors de la visite du logement a exigé d’elle, et selon ses propres écritures à des fins de réservation, le versement par chèque d’un dépôt de garantie d’un montant de 720 euros et qu’il a encaissé ledit chèque dès le 1er septembre 2014, soit plus de trois semaines avant la signature du bail survenue le 25 septembre 2014 ; que cette attitude est constitutive d’une faute et la preuve du manque d’honnêteté de M. Y… ; que le bail sera donc résolu à ses torts exclusifs ; que Mme X… n’ayant pas pris possession des lieux, elle n’apparait redevable d’aucun loyer » ;
ALORS QUE la cour d’appel, qui, en tant qu’elle statuait avec les pouvoirs du juge des référés, ne pouvait prendre que des mesures provisoires, a excédé ses pouvoirs et violé les articles 848 et 849 du code de procédure civile en prononçant la résolution du contrat de bail liant M. Y… à Mme X….
SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)
M. Y… fait grief à l’arrêt attaqué
DE L’AVOIR condamné à restituer à Mme X… la somme de 720 € au titre du dépôt de garantie ;
AUX MOTIFS QUE « M. Y… déclare, ce qui est établi par les constatations de l’huissier qu’il a mandaté, qu’une poignée de porte et un verrou ont été cassés et que la serrure du garage a été forcée, affirmant que de telles dégradations seraient imputables à Mme X… ; que, pour contester l’affirmation de son adversaire, Mme X… verse à la procédure une photographie de la porte du garage qui fait apparaître que la serrure était forcée, prétendant que ce cliché a été pris lors de l’état des lieux d’entrée, ce dont elle ne rapporte pas la preuve ; qu’aucun élément précis ne permet de situer l’époque à laquelle les dégradations ont été faites, de sorte qu’aucun élément tangible ne permet de les mettre à la charge de Mme X… » ;
ALORS QU’en condamnant M. Y… à restituer la somme de 720 € au titre du dépôt de garantie, après avoir tranché une contestation sérieuse relative à l’imputabilité des dégradations de nature à exclure la restitution du dépôt de garantie et dont elle a constaté l’existence sur l’habitation, la cour d’appel, qui statuait avec les pouvoirs du juge des référés, a violé l’article 849 du code de procédure civile.
[/toggle]